Le replay de l’émission enregistrée en matinale :
Introduction


Aujourd’hui, on va parler d’un événement absolument incontournable pour tous les passionnés de jeux de société : le Spiel d’Essen. Ou tout simplement Essen comme on le dit dans notre club de jeu.
“Spiel”, ça veut tout simplement dire… “jeu”. Donc quand on dit “Le Spiel d’Essen”, littéralement, ça veut dire “Le Jeu d’Essen”. Ça a l’air très officiel et impressionnant, mais en vrai, c’est comme si en France on appelait ça “Le Jeu de Saint-Étienne”. Ça sonne tout de suite moins glamour…
Pourquoi ? Parce qu’il n’existe aucun autre salon de jeux de société aussi grand, aussi international, et aussi centré sur le joueur. Chaque année, en octobre, presque 200 000 personnes débarquent à Essen, en Allemagne, pour découvrir les nouveautés, tester les jeux avant leur sortie, acheter des exclusivités, et surtout passer quatre jours complètement immergés dans le monde du jeu.
Imaginez un endroit où :
Les éditeurs du monde entier viennent présenter leurs créations.
Les auteurs expliquent leurs jeux directement à des joueurs.
Les visiteurs se promènent avec des caddies remplis de boîtes de jeux (oui oui, des caddies, comme au supermarché).
Et où l’on peut jouer, littéralement, à des centaines de jeux différents, en quelques jours.
Essen, c’est un mélange unique : à la fois une gigantesque boutique, un festival, un salon professionnel, et une fête internationale du jeu.
Et ce qui est fou, c’est que ça n’a pas toujours été aussi énorme. Au départ, en 1983, c’était juste une petite rencontre dans un centre communautaire, avec quelques tables et une poignée d’éditeurs allemands. Personne n’imaginait que ça deviendrait le plus grand salon du monde.
Et c’est ça que je vous propose aujourd’hui : un voyage à travers l’histoire et l’évolution du Spiel d’Essen.
On va voir :
Comment tout a commencé, avec la vision d’un seul homme, Friedhelm Merz.
Comment le salon a grandi dans les années 90 et 2000 pour devenir incontournable.
Comment il fonctionne aujourd’hui et ce qu’on y vit en tant que visiteur.
Pourquoi il est crucial pour les éditeurs, les auteurs, les médias… et pour nous, joueurs.
Et bien sûr, on terminera avec quelques anecdotes savoureuses, des prix marquants, et ce qui fait que tout passionné devrait y aller au moins une fois dans sa vie.
Bref, accrochez-vous, on part ensemble pour un petit voyage dans ce qui est, très clairement, le Disneyland du jeu de société. Mais avec moins de manèges et beaucoup plus de meeples !
Les origines



Revenons au début des années 80.
À l’origine, ce n’est pas Friedhelm Merz lui-même qui a lancé le Spiel, mais un journaliste spécialisé dans le jeu : Reiner Müller. En 1982, il publie un appel dans la revue Spielbox, toute jeune à l’époque, invitant ses lecteurs à venir participer à une grande rencontre ludique l’année suivante.
Résultat : en 1983, entre 4 500 et 5 000 personnes se retrouvent pour ces premiers Deutschen Spielertage – littéralement, les “Journées allemandes du jeu”. C’est énorme pour l’époque : imaginez, des milliers de personnes qui se déplacent juste pour jouer ensemble !
Au départ, l’événement devait avoir lieu dans le club américain de Bonn. Mais face au succès des inscriptions, le lieu s’avère trop petit. Alors, sur suggestion de membres du jury du Spiel des Jahres – le prix créé en 1979 – la rencontre est déplacée à Essen, dans un lieu appelé l’Haus der Erwachsenenbildung, rattaché à la Volkshochschule, c’est-à-dire une maison d’éducation populaire. C’est d’ailleurs là que la remise du Spiel des Jahres avait déjà lieu.
Petit à petit, cet événement prend de l’ampleur. Le journaliste britannique James Wallis raconte que de plus en plus de gens venaient, restaient un ou deux jours, jouaient, rencontraient des amis. Bref : en 1983, cette rencontre ludique était déjà devenue un événement officiel. Et le Spiel des Jahres, sans l’avoir prévu, contribue à amplifier ce mouvement.
1984–1985 : la croissance fulgurante
Dès 1984, le chiffre double : 10 000 à 15 000 joueurs se réunissent à Essen. Là encore, les locaux sont trop petits. En 1985, l’événement déménage carrément au Messe Essen, le grand parc des expositions de la ville. Un cap est franchi : on passe d’une rencontre conviviale à un véritable salon d’envergure nationale.
C’est aussi en 1985 qu’un moment décisif se joue : Le Vorwärts-Verlag – maison d’édition liée au parti SPD, qui publiait Spielbox et dont Friedhelm Merz était directeur – se sépare de lui. Merz décide alors de créer sa propre maison d’édition. Il négocie directement avec la Messe Essen et obtient juridiquement les droits sur les “Spielertage” pour 50 000 Deutsche Mark. À partir de là, il devient le véritable maître d’œuvre de l’événement.
1986 : naissance des “Internationale Spieltage”
Dès 1986, le salon change de nom : on ne parle plus des “Deutschen Spieltage”, mais des Internationale Spieltage. Le message est clair : Essen veut s’ouvrir sur le monde. Et effectivement, c’est à partir de cette époque que le salon commence à attirer des éditeurs et des visiteurs venus d’autres pays, curieux de ce nouveau rendez-vous.
La suite de l’histoire
1996 : Friedhelm Merz décède. Sa compagne, Rosemarie Geu, et sa fille, Dominique Metzler, reprennent les rênes et se concentrent exclusivement sur l’organisation du salon, laissant de côté l’activité éditoriale.
2020 : la pandémie impose une version en ligne, le Spiel.digital, qui reste un moment particulier mais qui ne remplacera jamais l’expérience physique.
Depuis 2023 : l’événement porte officiellement le nom de Spiel Essen, pour marquer encore plus son ancrage dans la ville et son identité unique.
2022 : le Friedhelm Merz Verlag est racheté par la Spielwarenmesse eG, l’organisateur du grand salon du jouet de Nuremberg. Mais l’esprit du Spiel reste intact.
La croissance

Essen devient un phénomène national
Au tournant des années 90, le salon accueille déjà des dizaines de milliers de visiteurs. On dépasse rapidement les 50 000 personnes par an. C’est énorme pour un événement qui, quelques années plus tôt, n’était qu’une rencontre de passionnés.
Un facteur important joue aussi : la réunification allemande en 1990. L’Allemagne devient un marché intérieur encore plus vaste. La culture du jeu se diffuse à l’Est, et Essen s’impose comme le grand rendez-vous ludique national.
L’internationalisation
Mais les années 90, c’est surtout l’époque où le Spiel devient vraiment international.
Des éditeurs français, polonais, américains, japonais commencent à venir exposer.
Des journalistes spécialisés de toute l’Europe font le déplacement.
Les joueurs étrangers planifient même leurs vacances autour du salon.
N’oublions pas : à cette époque, il n’y a pas encore Internet. Pas de BoardGameGeek, pas de chaînes YouTube pour vous montrer les nouveautés. Si vous vouliez découvrir les jeux modernes, vous aviez deux options :
Lire les magazines spécialisés (souvent en allemand).
Ou… faire le pèlerinage à Essen.
La naissance des “Eurogames”
C’est aussi dans ces années-là que le fameux style du “jeu à l’allemande”, ou Eurogame, s’impose.
Pas d’élimination des joueurs.
Des mécaniques basées sur la gestion, la planification, et pas seulement sur la chance.
Une durée de partie raisonnable, accessible pour les familles.
Des jeux comme Catan (1995), El Grande (1995) ou encore Tikal (1999) explosent à Essen. Catan, notamment, devient un phénomène mondial et marque une bascule : le jeu moderne sort du cercle des passionnés pour toucher le grand public.
Le cap des 100 000 visiteurs
À la fin des années 90 et au début des années 2000, Essen franchit un cap symbolique : les 100 000 visiteurs annuels. C’est officiel : le Spiel d’Essen est désormais le plus grand salon de jeu de société au monde.
Pour comparaison, le fameux Salon du Jouet de Nuremberg est beaucoup plus grand… mais il est réservé aux professionnels. À Essen, le public reste au cœur de l’événement. C’est ce mélange unique qui en fait sa force.
Un héritage solide
Malheureusement, en 1996, Friedhelm Merz, le fondateur, décède. Mais son œuvre ne disparaît pas : sa compagne, Rosemarie Geu, et sa fille, Dominique Metzler, reprennent l’organisation. Elles se consacrent pleinement au Spiel, et le transforment en une véritable institution.
Première partie du Quiz
Le Spiel aujourd’hui


Nous voilà maintenant à Essen tel qu’il existe aujourd’hui. Oubliez la petite salle de 1983 et même les 100 000 visiteurs des années 2000… Aujourd’hui, le Spiel, c’est un géant.
Les chiffres actuels
Plus de 180 000 à 200 000 visiteurs chaque année.
Plus de 1 000 exposants venus d’une cinquantaine de pays.
Entre 1 500 et 1 800 nouveautés présentées en seulement 4 jours.
Une surface d’exposition de près de 80 000 m² au Messe Essen.
Le Messe Essen : la “ville dans la ville”
Le salon se déroule dans le Messe Essen, un parc des expositions ultra-moderne composé de plusieurs halls reliés entre eux. Chaque hall a sa propre ambiance :
Halls familiaux : éditeurs grand public, jeux accessibles pour tous.
Halls experts : les gros jeux de gestion, les prototypes costauds, les tables où l’on joue 3 heures.
Hall des auteurs indépendants : petites tables, protos en carton plume, créateurs qui rêvent d’un éditeur.
Zone enfants : colorée, animée, parfaite pour les familles.
Et partout : des boutiques, des stands de goodies, des accessoires, des sleeves.
L’ambiance
Quand on entre dans le Spiel aujourd’hui, on est immédiatement frappé par le bruit et l’énergie.
Des milliers de tables occupées.
Le son des dés qui roulent.
Les animateurs qui expliquent les règles dans toutes les langues.
Et cette fameuse odeur caractéristique : un mélange de carton neuf, de plastique, et de bretzel.
Les visiteurs, eux, se reconnaissent facilement : ce sont ceux qui se baladent avec des caddies, des sacs géants ou des valises à roulettes. Oui, des valises. Parce qu’à Essen, on ne vient pas acheter un jeu ou deux… mais parfois des dizaines.
L’expérience typique du visiteur
Vivre Essen, c’est suivre une sorte de rituel :
La préparation : On arrive avec une liste de jeux à tester, parfois même un planning détaillé à la demi-heure. Certains passionnés font des tableurs Excel entiers pour organiser leurs journées.
La découverte : On se promène de stand en stand. On s’assoit, on découvre les règles, on teste. Parfois, c’est un bénévole enthousiaste qui explique. Parfois, c’est l’auteur lui-même qui présente son jeu, un peu fatigué d’avoir répété 200 fois la même phrase depuis le matin.
Les achats compulsifs : Parce que oui, même si on dit “je viens juste pour regarder”, on finit toujours avec un sac rempli. Surtout qu’il y a des exclusivités et des goodies qu’on ne trouve qu’à Essen.
Les rencontres : Essen, c’est aussi l’occasion de rencontrer des auteurs célèbres, de discuter avec des éditeurs, d’échanger avec des joueurs du monde entier… et parfois même de repartir avec une boîte dédicacée.
Les soirées off
Et ce qu’on oublie souvent de dire, c’est que l’ambiance d’Essen ne s’arrête pas à la fermeture des halls. Le soir, dans les hôtels, les bars, parfois même dans les couloirs… les joueurs continuent à tester leurs nouvelles acquisitions. C’est un festival qui dure 24h/24 pendant 4 jours.
L’importance pour le marché
Alors, on a vu ce qu’est Essen aujourd’hui, avec ses halls bondés et ses caddies remplis de boîtes. Mais la vraie question, c’est : pourquoi tout ce monde se déplace ? Pourquoi ce salon est-il devenu un passage obligé, aussi bien pour les joueurs que pour les éditeurs et les auteurs ?
Essen, la vitrine mondiale
Essen, c’est le plus grand marché du monde pour le jeu de société. Chaque année, en octobre, toute l’industrie regarde ce qui se passe là-bas. Un jeu présenté à Essen peut littéralement changer de destin du jour au lendemain.
Exemple : Les Aventuriers du Rail (2004) y a été présenté et a immédiatement attiré l’attention des distributeurs internationaux. Aujourd’hui, c’est un des plus grands succès commerciaux du secteur.
Autre exemple : 7 Wonders (2010). Lancé à Essen, il a conquis le monde entier en quelques mois, parce que tout le monde en parlait dès la sortie du salon.
Bref : Essen, c’est une rampe de lancement.
L’impact pour les éditeurs
Pour un éditeur, Essen est une opportunité… mais aussi un énorme pari.
Louer un stand coûte cher.
Amener des centaines de boîtes depuis son pays, ça demande une logistique énorme.
Il faut des animateurs capables d’expliquer les règles toute la journée, dans plusieurs langues.
Mais en échange, un éditeur peut :
Rencontrer des distributeurs internationaux.
Tester la réaction du public en direct.
Créer du buzz : si votre stand est bondé, les médias spécialisés vont forcément en parler.
L’impact pour les auteurs
Pour un auteur de jeux, Essen, c’est souvent le moment le plus important de l’année.
On peut présenter son prototype dans la zone auteurs, avec l’espoir de trouver un éditeur.
On peut aussi rencontrer directement des éditeurs étrangers et signer des contrats de localisation.
Et parfois, on se fait remarquer par le public, ce qui met la pression sur les éditeurs pour publier le jeu.
Exemple : Dominion (2008), présenté à Essen, a immédiatement déclenché un engouement énorme. En quelques mois, le jeu a été traduit et distribué dans le monde entier.
L’impact pour les joueurs
Pour les joueurs, Essen, c’est l’occasion de :
Découvrir les nouveautés avant tout le monde. Beaucoup de jeux sont disponibles en avant-première.
Profiter d’éditions limitées et de goodies exclusifs (souvent introuvables après).
Rencontrer leurs auteurs préférés, parfois pour une dédicace ou une photo.
Et surtout : jouer à des centaines de jeux différents en quelques jours.
L’impact pour les médias
Avec l’arrivée de YouTube, Twitch, Instagram et TikTok, Essen est devenu un moment médiatique.
Les influenceurs du monde entier filment les stands, montrent les nouveautés, créent du contenu en direct.
Les éditeurs misent de plus en plus sur cette visibilité instantanée pour lancer un buzz.
En quelques heures, un jeu peut devenir une star mondiale, juste parce qu’il est bien filmé et partagé.
Deuxième partie du Quiz
Conclusion
Alors voilà… on a parcouru l’histoire du Spiel, ses origines modestes dans une salle de la Volkshochschule, son explosion dans les années 90, son statut actuel de plus grand salon du monde, et son rôle central pour les éditeurs, les auteurs, les joueurs et les médias.
Et au final, la question qu’on peut se poser, c’est : pourquoi aller à Essen au moins une fois dans sa vie ?
Pour l’ambiance : une énergie unique, avec des milliers de tables pleines de joueurs qui rient, qui découvrent, qui partagent.
Pour la découverte : Essen, c’est l’endroit où l’on voit les nouveautés du monde entier avant qu’elles ne sortent en boutique.
Pour les rencontres : auteurs, éditeurs, influenceurs, mais aussi des passionnés de tous horizons.
Pour les souvenirs : parce que croyez-moi, rentrer avec une valise pleine de jeux et l’impression d’avoir voyagé dans un autre monde, ça ne s’oublie pas.
Alors si vous êtes passionné de jeux, si vous aimez cette culture, si vous rêvez de vivre un moment où tout est jeu pendant 4 jours, il n’y a pas à hésiter : Essen doit être sur votre liste.
Essen, c’est le Disneyland du jeu de société. Sauf qu’à la place des manèges, vous avez des meeples… et honnêtement, je ne suis pas sûr que Mickey puisse rivaliser avec ça.
Mon premier Essen (2010), le compte rendu :
Yoann Les Ludochons à Essen (Spiel 2010)
Mon bilan : 86 jeux achetés et 29 goodies obtenus…
Merci à vous d’avoir suivi cette plongée dans le Spiel !